Covid-19 : Crise sanitaire et crise des normes

Article du Professeur Jean-Eric Gicquel, Université de Rennes 1
Covid 19

Recueil Dalloz, Dalloz, 2020, pp.719

Extraits
« Les mesures que nous prenons méritent davantage qu'un arrêté ministériel » (E. Philippe, JO Sénat, déb., séance du 19 mars 2020). En quelques mots, tout est dit. L'établissement de l'état d'urgence ne se comprend pas seulement à la lueur du Droit. Il est aussi empreint d'une forte dimension politique, voire psychologique. En rehaussant le degré de légitimité de l'autorité fondée à décider des nouvelles restrictions pesant sur les droits et libertés, il renforce leur acceptabilité sociale. À cette fin, le passage du flambeau du ministre de la santé au profit du premier ministre devait être organisé.

Pour revenir à des aspects juridiques, il est certain que le droit, y compris celui de l'exception, n'a pas la capacité, parce qu'il reste une oeuvre humaine, d'anticiper et d'encadrer tous les bouleversements brutaux auxquels peut être confrontée une société.

On se souvient que la législation sur l'état d'urgence (loi du 3 avr. 1955), démontrant rapidement ses limites, avait dû être remaniée à flux continus à chaque fois (ou presque) que le Parlement devait proroger sa durée. Il en est désormais de même de l'urgence sanitaire (au régime déterminé par les lois du 9 août 2004 et du 5 mars 2007), qui se voit maintenant supplantée par un état d'urgence sanitaire (nouv. art. L. 3131-12 s. CSP). Était-il nécessaire de procéder ainsi ?

Après avoir examiné le nouveau régime posé par la loi dite Covid-19 du 23 mars 2020 (I) qui, s'inscrivant dans une logique sanitaire et non sécuritaire, est inséré dans le code de la santé publique et non dans la loi du 3 avril 1955, il sera ensuite loisible de s'interroger sur son intérêt (II).