L'affrontière ou la revanche des peuples fracturés,
Samedi 25 mars à 9h18 (15h15 heure de Paris)
Participation au colloque de la Simon Fraser University de Vancouver : "Identités, altérités, communautés : Entre conflit(s), revendications (s) et (ré) conciliation" - Programme
Résumé de l'intervention
La frontière est une délimitation politique qui sépare deux états. Son tracé et sa fixation sont des enjeux géopolitiques majeurs. Reconnaître une frontière est soit un choix, soit la conséquence de conflits ou de négociations diplomatiques. Si l’Histoire est écrite par les vainqueurs, les frontières, elles, sont tracées par les puissances dominantes d’une aire géographique et d’une époque. Elles peuvent protéger des territoires, à l’image du limes autour de l’Empire romain. Elles peuvent aussi englober des minorités vaincues qui changent de suzeraineté ou permutent leurs rapports de domination au gré des guerres. Enfin les frontières peuvent être une séparation politique entre deux systèmes politiques antagonistes, à l’image de la conception héritée de la guerre froide. Pour les groupes nationaux ou ethniques qui sont séparés de leurs « frères », la mémoire historique ou plus exactement le « narratif national » s’avère être un lien puissant. Mélange de nostalgie et d’espoir il peut être une simple affirmation culturelle ou se muer en projet politique.
Pour maintenir le lien avec la « mère-patrie », les peuples fracturés ont besoin d’une convergence entre un d’un côté un séparatisme assumé et de l’autre d’une fièvre irrédentiste dans l’ancienne métropole. L’irrédentisme prône en effet le rattachement à un État de certains territoires devant, à ses yeux, légitimement l'être, par exemple parce qu'ils en ont autrefois fait partie ou parce que leur population est considérée par ces nationalistes comme historiquement, ethniquement ou linguistiquement apparentée.
Trois types d’irrédentismes coexistent et parfois se nourrissent entre eux.
Il s’agit alors de bousculer l’ordre établi. Si l’irrédentisme politique sert de fond idéologique et électoral à un parti (Anschluss du parti nazi en Allemagne, « Voie russe » de Vladimir Poutine) l’irrédentisme victimaire (rattachisme wallon de Belgique, séparatisme de la Novorossia en Ukraine) est plutôt un appel à la protection du « grand frère ». Enfin, il est aussi un irrédentisme « romantique » qui mélange histoire et rêverie (Honfoglalás de la grande Hongrie de Viktor Orban ou l’Enosis grecque avec Constantinople comme capitale…)